"Ses longs cheveux, son regard profond, hanté par une
vague de tristesse combative évoquent d'emblée la
figure d'un Christ. Mais pas n'importe lequel, plutôt un prophète
psychédélique, assoiffé de Néant : Thierry
Théolier a.k.a. THTH n'a qu'un seul message à transmettre
à la communauté des hommes : "VANITAS VANILLA
RECTUM". Son énergie, il la puise dans le ressentiment
social : "La Hype est cynique, alors je serai son double aberrant.
Je suis un intuitif. Quand je critique, c'est en sniper-bourrin
comme dans un jeu vidéo en réseau hyper-violent. Je
veux simplement baiser, boire et bouffer, trouver une issue dans
cette société opaque, une porte où m'introduire."
Pour échapper à l'exclusion, au dilemme de l'initié
(en être ou ne pas en être), il s'invente homme de la
mise en relation : il crée en janvier 2002 sur Internet le
blog des casseurs2hype, puis le Syndicat du Hype, une plateforme
d'échanges des soirées parisiennes, un Fight Club
du parasitisme : vernissages, VIP parties, promotions de marques,
événements corporate. La mailing liste, nourrie par
des évangélistes sataniques, agents triples délateurs,
livre les bons plans et astuces pour s'infiltrer, vider les buffets,
affaiblir son foie, relancer sa libido, conquérir la gold
des dames liftées. Le voici bête noire des attachés
de presse, trafiquant de flyers, parrain de la média nostra,
dandy d'un banditisme cosy : "le Crevard number one".
Tout a commencé par l'expérience de la Solitude. TH
est veilleur de nuit dans un hôtel du 16ème arrondissement.
Seul, face au mur des heures vides, il s'évade dans la toile
et crée son premier site : Blank Révolution. Dans
une interview accordée à Philippe Nassif, il annonce
la couleur de son angoisse : "Je prônais alors une ascèse
médiatique, le refus de participer à quoi que ce soit.
À l'exemple des plus maudits, je voulais disparaître.
Je n'avais plus qu'à me tuer". Puis, ce désir
de mort rencontre une voie intermédiaire, rédemptrice
: il découvre
Artistes sans oeuvres, l'essai de
Jean-Yves Jouannais, théoricien de l'idiotie. On peut être
artiste, inventeur de formes et ne jamais rien produire. L'évidence
lui perce alors les yeux : l’œuvre , c'est le réseau,
la puissance de l'interface ; le Syndicat du Hype succède
et va peu à peu fédérer les tribus de la nuit,
offrir les clefs d'un immense jeu de rôle. L'infiltration
des soirées, le baroquisme de la défonce sous les
sunlights de la people way expérimentent les "formes
de vie", chant révolutionnaire de la résistance
suburbaine. On adule le christ dégénéré
sur la croix médiatique tamponnée de son fameux slogan
"Approved by Alibi-Art", on le méprise, on se prend
au jeu du voyeurisme, on se perd devant sa religion sans bible,
diluée dans l'espace informationnel. Paris Match le cite
dans ses colonnes, Technikart le sanctifie en première de
couverture, Canal+ le courtise, quand d'autres rêvent de le
voir crever au bas de l'échelle. Le réseau, c'est
la vie, pense-t-il, alors il va plus loin et produit une ultime
œuvre relationnelle en organisant une partouze ("Blank
Obscenity : la Tooz"). Cet enchevêtrement de corps branchés
ou anonymes, sorte de "sculpture sociale", cristallise
la fraternité universelle du Réseau, de la Toile ;
artiste malgré lui, il s'érige tel un moine fornicateur
d'une obscénité assumée.
Finalement, malgré le désir de Néant, d'un
monde et d'un art immatériels, les traces de l'expérimentation
s'imposent : les flux de la média connexion ont donné
lieu à un langage, issu de raccourcis clavier, d'abréviations
nerveuses, d'hybridations fulgurantes, poésie du chatroom,
du texto et de l'e-mail. Thierry Théolier, un des pionniers
de la Net-écriture, aujourd'hui amoureux, rédige un
livre, intitulé
CREVARD
[baise-sollers] et, avec l'amour partagé, bientôt
sa publication (éditions Caméras Animales, oct 2005)."