Je
ne peux pas terminer ce mail sans dire un mot du livre de Mathias,
"Musiques de la révolte maudite"... Je lis et
relis plusieurs passages depuis quinze jours. Ce sont
de magnifiques textes, d'une grande profondeur. Je ne connais
pas du tout la musique "noise" ou "hardcore"
(la quasi intégralité des groupes qui sont cités),
mais ces textes font le récit d'une expérience "radicale",
que l'on peut avoir fait à l'écoute d'autres musiques
; dans ce moment où la musique épouse les pulsations
du corps (ou l'inverse), les catégories de l'entendement
-notamment l'opposition entre le plan de l'émotion subjective
(bouillonnante) et de l'intellectualité objectale (qui
"hiérarchise" les stimuli)- sont rendues caduques...
Tout embarquement musical est en puissance le dernier. Les textes
de Mathias sont pour moi une source de méditation : les
réflexions sur ce moment où le son atteint sa masse
critique ; le parallèle très intéressant
entre la musique et l'écriture (la musique comme "délicieux
remède à l'incessant du langage", mais aussi
le désir de "renversement", "à l'origine
de certaines vocations d'écriture"). C'est un vrai
défi d'écrire des choses si justes sur une expérience
infiniment complexe. Ce recueil m'a donné envie d'écrire
un petit texte (que je publierai en ligne, sur le site du Mort,
dans l'Atelier) : on se rend compte que l'expérience musicale
féconde la littérature... Il n'est pas seulement
question de préoccupations esthétiques communes,
qui se traduiraient par un "langage" différent.
C'est plus que ça. Il y a un au-delà du sens, auquel
se frotte non seulement le créateur mais aussi, d'une certaine
façon, l'auditeur. Le grand problème apparaît
avec Wagner : la musique devient civilisatrice, c'est le mythe
de la grande synthèse entre les Arts... Il y a quelque
chose de bien diabolique, au sens littéral. Bon, je dois
encore creuser tout ça, parce que ça tourne en boucle
dans ma tête ; la figure qui pour moi synthétise
l'"auditeur" (il faut bien l'appeler comme ça),
c'est le Wandersmann, l'errant. Ah oui, voilà, je pensais
à la mystique rhénane... Dans un monde disert, surinformé,
hyper-sophistiqué, où l'art est le plus souvent
"nice and easy", il est très difficile de savoir
"écouter" et de sentir la brutalité de
ce qui malgré tout se dit, s'écrit, se joue.
Axelle
Felgine